Je pousse la porte de l'auditorium blanc, par la baie vitrée, un ciel bleu Klein coule comme de l’encre fraîche ; les oiseaux, perchés sur les bambous, improvisent une fugue baroque tandis que le vent feuillette les feuilles avec la nonchalance d’un critique blasé. Tout respire la sérénité — un décor prêt-à-méditer que la hi-fi s’apprête à vandaliser, délicatement.
Dans ma main gauche, un café serré dont l’amertume picote la langue comme un haïku raté ; dans la droite, ma tablette, auréolée de la toute nouvelle fonction Qobuz Connect — miracle numérique promis à révolutionner mon quotidien, du moins jusqu’à la prochaine mise à jour. Un effleurement d’écran, et ma playlist Playlist Qobuz s’échappe, cascade lumineuse de bits se ruant vers le WiiM Amp Pro.
Les premières basses bousculent le silence ouaté, et l’on jurerait voir un merle lever la tête, outré de ce groove importun. Moi, j’enfonce le dos dans le fauteuil, prêt à scruter, à jauger, à décocher des épigrammes si le mariage Indiana Line Utah 5 / WiiM Amp Pro dérape. Que la scène commence : entre la zenitude du jardin et l’ironie de mes esgourdes, il ne reste plus qu’à faire danser les décibels — avec élégance, ou avec fracas, mais sûrement pas avec tiédeur.
En ce jeudi de mai où le ciel champardennais hésite entre crachin nordique et éclaircies promises, je savoure un café éthiopien Yirgacheffe d’un torréfacteur local offrant des arômes floraux très marqués, une acidité subtile et une grande finesse en bouche pendant que deux caissons de bois danois me fixent du coin de l’ogive : les Dynaudio Special Forty, édition 40e anniversaire. « Forty » comme quarante ans de recherches et quelques rides d’ingénierie danoise — mais aussi, vais-je bientôt le découvrir, comme un léger voile de pudeur posé sur la musique.
Ce matin, je fais danser la cuillère dans mon mug comme on gratte les cordes d’une vieille Stratocaster : un trémolo de café qui fume encore, histoire de me rappeler que j’ai soixante balais… mais l’ado qui sommeille sous mes tempes grisonnantes tape toujours du pied en coulisse.
Et pendant que la mousse vient mourir contre la porcelaine, une question obstinée me tourne dans la tête telle une petite ritournelle pop : mon fichu câble numérique doit-il vraiment être un pur-sang de 75 Ω ?
Avant de parler des enceintes, un mot sur la maison mère, car en France, Indiana Line, c’est un peu comme certains cépages transalpins : méconnue, mais pleine de caractère.
Fondée à la fin des années 70 dans le Piémont, cette marque italienne fait partie de ces artisans du son qui n’ont jamais cherché à jouer des coudes sur les podiums du marketing international. Pas de salons clinquants à Las Vegas, pas d’influenceurs sous stéroïdes, juste des produits bien conçus, fabriqués avec bon sens, et destinés à ceux qui écoutent avec leurs oreilles plutôt qu’avec leurs yeux ou leur compte Instagram.
En Italie, Indiana Line est respectée depuis des décennies, notamment pour son excellent rapport qualité/prix et sa capacité à proposer des enceintes musicales, robustes et accessibles, sans pour autant sacrifier l’élégance — italienne oblige.
En ce vendredi matin de mai où l'été semble vouloir brûler les étapes, affichant un indécent 25°C dès l'heure du thé matinal, je savoure, sceptique mais curieux, un doux Oolong taïwanais. Devant moi, les Kudos Audio Titan 505 trônent après 200 longues heures d'un rodage aux airs de rite initiatique. Seront-elles à la hauteur de leur impeccable pedigree britannique ? Je demande à voir… ou plutôt, à entendre.