31 mai, 6h du matin. L'air hésite encore entre la fraîcheur complice et la fournaise promise. Mon café ? Une mixture torréfiée dans l'urgence d'un réveil brutal, comme si mes gestes pressentaient déjà que cette journée aurait le goût des adieux définitifs.
Car hier, j'ai accompli l'impensable : j'ai vendu mes Lawrence Audio Dove Diamond.
La collision chic entre rigueur britannique et groove canadien
(Roksan Attessa ⇄ PSB Imagine T54 : chronique d’un parfait amour)
Samedi matin, mai morose : un ciel couleur bulot, 12 °C qui piquent, et votre serviteur – 25 ans de tests hi-fi dans les pattes et la cafetière déjà tiède – expédie cette bafouille avant de rejoindre ses pantoufles façon ermites des ondes. On me demande : « Mais qui sont donc ces deux protagonistes ? » Allez, flash-back express.
PSB Speakers naît en 1972 au fond d’un sous-sol ontarien, quand Paul Barton (les initiales du nom) préfère bricoler des haut-parleurs que des cabanes en bois. Sa marotte ? Les mesures en chambre anéchoïque du Conseil national de recherches du Canada : moins de flafla, plus de courbes Droites Comme Un Caribou. Résultat : des enceintes réputées pour leur neutralité sans chichis – la politesse canadienne traduite en acoustique.
Roksan, débarquée à Londres en 1985, raconte une tout autre saga. Deux ingénieurs d’origine iranienne, Touraj Moghaddam et Tufan Hashemi, veulent injecter un soupçon de groove perse dans le flegme britannique. Platines Xerxes, puis électroniques au design pas franchement victorien : la marque taille sa réputation sur un mélange d’ingénierie bien serrée et de musicalité épicée. Aujourd’hui, sous pavillon britannique pur malt, le credo reste : fièvre rythmique et finition classieuse – tea time avec un shot de safran.
Voilà, les présentations sont faites ; votre chroniqueur peut refermer son carnet, saluer ce duo Grande-Bretagne-Canada et, si le thermomètre ne monte pas, hiberner tout le week-end au son d’un bon vieux Miles.
Carnet de bord d’un journaliste aux tempes argentées, 7 h 42, fumet d’Arabica et blues en intraveineuse
Les premières notes de B.B. King déboulent comme un rayon de soleil un lendemain de cuite : ça pique un brin, mais ça réchauffe la carcasse. Lucille couine, mon mug claque sur le bureau, et je me dis que la journée part plutôt bien. Sitôt la vapeur dissipée, Taj Mahal s’invite, grand sourire derrière la moustache ; son dobro glisse sur la table comme un glaçon dans le café (faut vraiment que je remette ce couvercle).
Puis Muddy Waters débarque, bottes pleines de boue du Mississippi, et subitement le Salon Jaune (AudioSolutions + Eversolo) prend l’odeur des juke joints enfumés où l’on sert le whisky tiède à même le comptoir. Ry Cooder, lui, joue les contrebandiers : trois accords, un coup d’auto-slide, et hop ! je suis téléporté du delta à Los Angeles sans passeport ni vaccin.
Stevie Ray Vaughan décide alors de repeindre mes murs couleur Fender Stratocaster, Buddy Guy rallume l’électricité de ses chorus espiègles, Eric Bibb apporte la touche gospel — celle qui te fait lever les yeux au plafond pour voir si le ciel s’est rapproché. Et quand John Lee Hooker conclut d’un « Boom Boom » bien senti, même Jérémy le grincheux tape du pied contre le son bureau : preuve scientifique que le blues est contagieux.
Cette playlist Qobuz, c’est un carnet de route : pour l’instant balisé par ces monuments, mais promis, on poussera bientôt les portes de clubs plus obscurs, à la recherche de voix rugueuses, de guitares rouillées, de trésors que seule la poussière protège. Abonnez-vous, retournez-y quand l’humeur fait grise mine — vous y trouverez peut-être, entre deux accords mineurs, l’étincelle qui manquait à votre tasse de café.
Allez, j’appuie sur repeat… le percolateur n’a qu’à bien se tenir.
Accès à la Playlist : Playlist Opus 51 Blues
Iiro Rantala - My Working Glass Hero (2015)
Artiste principal : Iiro rantala (pianiste)
Parution : 2015 (Act Music)
Genre : Jazz / Jazz Piano
Note Technique : 9/10
Lien Qobuz : https://www.qobuz.com/fr-fr/album/my-working-class-hero-iiro-rantala/0614427959720
Je pousse la porte de l'auditorium blanc, par la baie vitrée, un ciel bleu Klein coule comme de l’encre fraîche ; les oiseaux, perchés sur les bambous, improvisent une fugue baroque tandis que le vent feuillette les feuilles avec la nonchalance d’un critique blasé. Tout respire la sérénité — un décor prêt-à-méditer que la hi-fi s’apprête à vandaliser, délicatement.
Dans ma main gauche, un café serré dont l’amertume picote la langue comme un haïku raté ; dans la droite, ma tablette, auréolée de la toute nouvelle fonction Qobuz Connect — miracle numérique promis à révolutionner mon quotidien, du moins jusqu’à la prochaine mise à jour. Un effleurement d’écran, et ma playlist Playlist Qobuz s’échappe, cascade lumineuse de bits se ruant vers le WiiM Amp Pro.
Les premières basses bousculent le silence ouaté, et l’on jurerait voir un merle lever la tête, outré de ce groove importun. Moi, j’enfonce le dos dans le fauteuil, prêt à scruter, à jauger, à décocher des épigrammes si le mariage Indiana Line Utah 5 / WiiM Amp Pro dérape. Que la scène commence : entre la zenitude du jardin et l’ironie de mes esgourdes, il ne reste plus qu’à faire danser les décibels — avec élégance, ou avec fracas, mais sûrement pas avec tiédeur.
En ce jeudi de mai où le ciel champardennais hésite entre crachin nordique et éclaircies promises, je savoure un café éthiopien Yirgacheffe d’un torréfacteur local offrant des arômes floraux très marqués, une acidité subtile et une grande finesse en bouche pendant que deux caissons de bois danois me fixent du coin de l’ogive : les Dynaudio Special Forty, édition 40e anniversaire. « Forty » comme quarante ans de recherches et quelques rides d’ingénierie danoise — mais aussi, vais-je bientôt le découvrir, comme un léger voile de pudeur posé sur la musique.
Ce matin, je fais danser la cuillère dans mon mug comme on gratte les cordes d’une vieille Stratocaster : un trémolo de café qui fume encore, histoire de me rappeler que j’ai soixante balais… mais l’ado qui sommeille sous mes tempes grisonnantes tape toujours du pied en coulisse.
Et pendant que la mousse vient mourir contre la porcelaine, une question obstinée me tourne dans la tête telle une petite ritournelle pop : mon fichu câble numérique doit-il vraiment être un pur-sang de 75 Ω ?
Avant de parler des enceintes, un mot sur la maison mère, car en France, Indiana Line, c’est un peu comme certains cépages transalpins : méconnue, mais pleine de caractère.
Fondée à la fin des années 70 dans le Piémont, cette marque italienne fait partie de ces artisans du son qui n’ont jamais cherché à jouer des coudes sur les podiums du marketing international. Pas de salons clinquants à Las Vegas, pas d’influenceurs sous stéroïdes, juste des produits bien conçus, fabriqués avec bon sens, et destinés à ceux qui écoutent avec leurs oreilles plutôt qu’avec leurs yeux ou leur compte Instagram.
En Italie, Indiana Line est respectée depuis des décennies, notamment pour son excellent rapport qualité/prix et sa capacité à proposer des enceintes musicales, robustes et accessibles, sans pour autant sacrifier l’élégance — italienne oblige.
En ce vendredi matin de mai où l'été semble vouloir brûler les étapes, affichant un indécent 25°C dès l'heure du thé matinal, je savoure, sceptique mais curieux, un doux Oolong taïwanais. Devant moi, les Kudos Audio Titan 505 trônent après 200 longues heures d'un rodage aux airs de rite initiatique. Seront-elles à la hauteur de leur impeccable pedigree britannique ? Je demande à voir… ou plutôt, à entendre.