jeudi, 14 août 2025 10:23

John Lewis : The Wonderful World of Jazz (1960)

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John Lewis  The Wonderful World of Jazz

Un chef‑d’œuvre du jazz oublié

Artiste principal : John Lewis (piano, arrangement)
Date de parution : 1961 (enregistré en 1960, Atlantic)
Format : LP original Atlantic SD 1375 – remastered audiophile (vinyle 180 g Pure Pleasure, réédition Light in the Attic 2025)
Genre : jazz raffiné, Third Stream
Note technique : 8/10
Lien Qobuz : https://open.qobuz.com/album/k7z6k7b1m4eea

 

Un disque à redécouvrir, à méditez

Élément Ce qui en fait un chef-d’œuvre oublié
Sobriété maîtrisée John Lewis cisèle chaque mesure comme une miniature musicale
Talent des invités Solistes de légende offrant un souffle rare
Équilibre sonore Intime, éthéré, d’une beauté exigeante yet enveloppante
Réceptions contrastées Loué par les connaisseurs… et méconnu du grand public
   

 

Pourquoi ce joyau fut-il éclipsé, et pourquoi le (re)découvrir ?

Dans l’immense royaume du jazz, il existe des trésors qui brillent sans faire de bruit. The Wonderful World of Jazz en est un : discret, raffiné, tel un miroir limpide où chaque note semble pesée, chaque respiration méticuleusement sculptée. John Lewis, architecte du Modern Jazz Quartet, tisse ici une tapisserie sonore d’une délicatesse souveraine, loin des fanfares et des projecteurs tapageurs.

AllMusic ne s’y trompe pas en offrant à l’album 4½ étoiles, soulignant qu’il s’agit de « l’un des albums les plus gratifiants de John Lewis hors du Modern Jazz Quartet ». Réception restée discrète, mais que chaque écoute transforme en révélation.

John Lewis

John Lewis (1920-2001) fut l’un des architectes les plus raffinés du jazz moderne. Pianiste, compositeur et arrangeur, il fonde en 1952 le Modern Jazz Quartet, avec lequel il impose un style unique mêlant swing, contrepoint et influences classiques, pierre angulaire du mouvement Third Stream. Sa vision — élégance formelle, sens du silence, rigueur d’écriture — a élargi les frontières du jazz, prouvant qu’il pouvait dialoguer avec la musique de chambre sans perdre son âme. Mentor discret mais déterminant, Lewis a influencé des générations de musiciens, rappelant que la sophistication peut rimer avec émotion pure.

Un casting à vous faire frissonner

Ce disque est un ballet d’instruments, avec en solistes :

  • Sur “Body and Soul”, un solo splendide de Paul Gonsalves au ténor, sublime condensé d’émotion et de maîtrise.
  • Sur “Afternoon in Paris”, c’est un festival de timbres : Herb Pomeroy (trompette), Gunther Schuller (cor), Benny Golson (ténor), James Rivers (baryton), Jim Hall (guitare)… et le coup de génie : Eric Dolphy, dont l’alto crève l’écran avec un solo aussi audacieux que charismatique.

Il y a là une alchimie singulière : la retenue, la tension retenue, tout prenant sens dans l’entre-deux, dans l’instant suspendu.

Son d’une autre galaxie, subtil, organique

Les audiophiles vous le diront : ce disque possède une magie — tubey magic, comme l’écrit The Skeptical Audiophile, avec des basses rondes, un médium velouté, un espace sonore palpable, comme si le studio s’invitait dans votre salon.
Même la réédition vinyle 180 g fait rêver, notamment sur les fréquences et la dynamique, malgré des disparités parfois liées aux différentes sessions d’enregistrement.

Les musiciens

Autour de John Lewis, The Wonderful World of Jazz réunit un aréopage de solistes au pedigree impressionnant. Jim Hall (guitare), George Duvivier (contrebasse) et Connie Kay (batterie) forment un écrin rythmique à la fois souple et précis, où chaque nuance du piano trouve sa place. À leurs côtés, des voix singulières du jazz s’illustrent : Paul Gonsalves offre sur Body and Soul un solo au ténor d’une intensité rare, long phrasé chaud et lyrique qui s’installe comme une conversation intime avec l’auditeur. Sur Afternoon in Paris, l’alto d’Eric Dolphy fend l’espace avec un mélange d’audace et de grâce, ses lignes anguleuses et ses inflexions inattendues illuminant la trame orchestrale. Entre ces deux sommets, trompette, cor, baryton et ténor complètent un tableau sonore où la virtuosité se marie à la retenue, magnifiant la vision raffinée de Lewis.

Conclusion feutrée

The Wonderful World of Jazz est un écrin précieux, un manifeste de calme et d’élégance dans un monde jazz souvent éclatant. Voilà un disque à jouer en boucle, pour apprivoiser les silences, goûter les nuances et se rappeler que le plus grand art peut être celui qui parle bas — mais dit tout.

 

 

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