dimanche, 02 mars 2025 10:44

Bach : Variations Goldberd (Glenn Gloud -1955)

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Bach Variations Goldberd (Glenn Gloud)

Bach – Les Variations Goldberg  (Glenn Gould 1955)

Artistes principaux : Glenn Gould
Paru en 1956 (enregistrement juin 1955 Columbia Masterworks Records)
Genre : classique
Note Technique : 5/10

Lien Qobuz : Variations Goldberg

L’enregistrement des Variations Goldberg par Glenn Gould en 1955 s’inscrit dans une dynamique d’émancipation interprétative qui redéfinit durablement la réception du répertoire baroque au piano. En proposant une lecture radicalement novatrice, le pianiste canadien, alors âgé de 22 ans, opère une rupture tant sur le plan stylistique que sur le statut même de l’enregistrement comme médium artistique autonome.

C’est dans le confort d’un vieux fauteuil, une tasse de café Malawi fumante à la main, que je pose pour la première fois le diamant de ma toute nouvelle platine sur ce disque monophonique fraîchement acquis. La pochette, sobre, me fixe avec un air énigmatique, celui d’un jeune homme au regard perçant, déjà habité par une vision singulière du monde musical. Dès les premières notes, un frisson me parcourt. Une sonorité limpide, un toucher incisif, une articulation d’une précision clinique… Rien ici ne rappelle les grandes traditions d’interprétation auxquelles l’auditeur est habitué.

Loin de se conformer aux normes d’exécution dominantes à l’époque, encore marquées par l’héritage romantique et post-romantique de l’interprétation bachienne, Gould développe une approche articulatoire rigoureuse, s’apparentant à une transcription pianistique des mécanismes du clavecin. L’aria d’ouverture, d’une sobriété presque ascétique, donne le ton d’un discours où la clarté polyphonique prime sur toute forme de lyrisme superflu. Dans les variations suivantes, sa technique de jeu, caractérisée par une indépendance absolue des voix et des tempi parfois extrêmes, exacerbe la structure intrinsèquement contrapuntique de l’œuvre, jusqu’à faire émerger une forme de mathématisation sonore.

Mais au-delà de la virtuosité, c’est la personnalité de Gould qui fascine. Étrange personnage que cet artiste vêtu d’un manteau d’hiver en plein été, allergique à toute forme de mondanité et persuadé que la salle de concert est une aberration du passé. Son enregistrement est le fruit d’une quête obsessionnelle, où chaque détail sonore est scruté, modifié, repensé. Son habitude de chantonner en jouant, loin d’être un simple tic, traduit une fusion totale entre l’intellect et l’instrument. Ce n’est pas un simple pianiste, c’est un architecte du son, un visionnaire convaincu que la musique enregistrée est un art en soi, et non une simple reproduction du concert.

Plus qu’un simple enregistrement, ce disque constitue un manifeste esthétique et philosophique. Il questionne le rôle de l’interprète face au texte musical, interroge la notion d’authenticité dans l’exécution des œuvres anciennes et anticipe, par son refus du concert au profit du studio, les évolutions contemporaines de la performance enregistrée. En cela, Gould ne se contente pas de revisiter Bach : il inaugure une nouvelle ère où l’enregistrement ne serait plus un simple substitut à l’expérience du concert, mais bien un médium de création à part entière.

En près de sept décennies, cet enregistrement n’a cessé de nourrir des débats musicologiques et esthétiques. S’il reste une référence absolue, il témoigne avant tout de l’irréductibilité du phénomène Gould, musicien théoricien dont la pensée et la pratique continuent d’inspirer et de questionner notre rapport à l’interprétation musicale.

Fred Duvieuxfour

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